La mixité verticale, le nouvel horizon de la Living City
Les dernières décennies avaient signé l’apogée des immeubles, et même des quartiers, mono usages : tertiaire, résidentiel… Mais face à de nouveaux enjeux et de nouvelles problématiques, la mixité verticale se présente de plus en plus comme une réponse à de nombreux défis auxquels sont confrontées les collectivités.
Mieux vaut commencer cet article par un avertissement : évidemment, la mixité verticale n’est pas une baguette magique pour guérir tous les maux de l’urbanisme. Mais comme tout bon remède, ces opérations mixtes fonctionnent à merveille si, et seulement si, elle sont utilisées à bon escient et dans les bonnes conditions. Grandes agglomérations, mais aussi villes moyennes… La mixité verticale est un puissant levier pour relever de nombreux défis auxquels les collectivités font face.
Comprendre la mixité verticale
Multiplier les usages dans un même immeuble
Pour éviter toute confusion, prenons le temps de nous entendre sur le terme « mixité verticale ». Il ne s’agit pas là de mixité sociale, qui consisterait à produire dans une même opération d’habitation du logement en accession à la propriété et du logement locatif social. Nous traitons ici de la mixité fonctionnelle c’est à dire l’association de différentes affectations au sein d’un même immeuble. Par exemple, une opération de mixité verticale pourrait consister à affecter certains étages à des activités commerciales et de services, d’autres à des bureaux et d’autres, enfin, à de l’habitation. En termes d’urbanisme, ce sont donc des projets qui regroupent plusieurs destinations et sous-destinations. Le code de l’urbanisme prévoit aujourd’hui cinq destinations et un certain nombre de sous-destinations :
- Habitation : logement et hébergement,
- Commerce et activités de service : artisanat et commerce de détail, restauration, commerce de gros, activité de service où s’effectue l’accueil d’une clientèle, hébergement hôtelier et touristique, cinéma),
- Exploitation agricole et forestière,
- Équipements d’intérêt collectif et services publics,
- Autres activités des secteurs secondaires et tertiaires.
Quelques exemples emblématiques
Et si la mixité verticale n’était qu’un simple retour aux basiques ? La diversité des usages au sein d’un même immeuble n’est pas une invention récente, bien au contraire. Le Corbusier, en est l’illustre exemple. Avec la Cité Radieuse à Marseille, il crée ce qu’il appelle un « village vertical ». Cet immeuble de 17 étages comprend des logements mais aussi des bureaux, des commerces (épicerie, boulangerie, café, hôtel/restaurant, librairie, etc.) et des équipements publics tels qu’une école maternelle, un gymnase, une piste d’athlétisme, une petite piscine et un auditorium en plein air.
Dans une moindre mesure, Hausmann a joué les précurseurs avec des commerces ou ateliers en rez de chaussée de ses immeubles.
Longtemps oubliée au profit de programmes mono-usages, la mixité verticale regagne depuis quelques années ses lettres de noblesse. Partout en France, les exemples de mixité verticale se multiplient. À Nantes, l’immeuble MA11 sera livré dans les prochains mois. Conçu par le cabinet d’architecture Hardel et Le Bihan, il croise les usages par un savant jeu d’imbrication volumétrique : des logements au sud, des bureaux au nord et des commerces au rez de chaussée. Un parti-pris qui augmente considérablement les qualités du bâtiment sur de nombreux plans : urbain, architectural, fonctionnel et environnemental. À Montpellier, l’immeuble Belaroia, conçu par Manuelle Gautrand, réunit deux hôtels (4* pour le premier, 3* pour le second), des logements et des commerces. À Paris, dans la ZAC Clichy-Batignolles, le cabinet d’architecture Gaëtan Le Penhuel & Associés a récemment livré un immeuble qui rassemble une résidence pour étudiants et jeunes travailleurs, des logements sociaux, des bureaux, ainsi qu’un socle commercial de moyennes surfaces.
L’œil de youse
La mixité verticale est un sujet complexe et vaste. En tant que promoteur immobilier, notre ambition, ici, est de partager avec vous notre expérience concrète dans le domaine. En nous appuyant sur les opérations mixtes réalisées durant notre carrière, nous pouvons dresser plusieurs constats. Et le premier, c’est que les expériences réussies se sont toujours inscrites dans deux contextes principaux à savoir : des projets d’aménagement urbain au sein de grandes villes et agglomérations françaises ou des opérations développées dans l’hyper-centre de villes moyennes.
Dans les deux cas, les conditions nécessaires à la réussite du projet étaient les mêmes :
- des besoins avérés et une demande suffisante en face de toutes les destinations attendues dans l’opération (habitation, commerce et activités de service, hébergement hôtelier ou para hôtelier, équipements d’intérêt collectif).
- un foncier qui présente les qualités intrinsèques adaptées aux exigences des différentes activités en termes d’accessibilité et d’infrastructure de transport, de lisibilité commerciale, de qualité d’environnement, et de volumétrie.
Le bon sens de la mixité verticale
Pour les métropoles, un outil au service de la Living City
Densification, pression du foncier, problèmes de mobilité et de pollution d’un côté. Recherche d’une meilleure qualité de vie, de davantage de convivialité et de sérendipité de l’autre … Les grandes agglomérations font face à de nouveaux enjeux et de nouvelles attentes de la part des usagers. Dans ces métropoles où le foncier se fait de plus en plus rare et où le besoin de construction est toujours aussi important, la mixité verticale fait sans nul doute partie des réponses majeures.
L’ère de l’étalement urbain, gaspilleur de temps, de foncier et d’énergie est révolue. La ville se construit et se densifie désormais à la verticale. Multiplier les immeubles mixtes permettra aux habitants de vivre, travailler, consommer et se divertir au même endroit. En mettant ainsi fin aux zones exclusivement résidentielles ou totalement consacrées aux « affaires », les métropoles, aux transports souvent saturés, limitent ainsi les déplacements.
La superposition plutôt que la juxtaposition des fonctions permet ou peut permettre une meilleure gestion de la ressource foncière et par conséquent de sa valorisation. La mixité verticale peut être particulièrement adaptée à l’intégration d’équipements publics ou d’intérêt général, la mutualisation du foncier et la création de valeur, qui découlent de la présence des programmes privés, permettant d’abonder à leur financement. Un exemple pour mieux comprendre tout cela ?
Le cas d’Epure, par youse : une école, des bureaux et des logements
Notre première opération, Epure, allie mixité verticale et horizontale. Cet ensemble immobilier d’environ 10.000 m², situé dans la ZAC des Girondins à Lyon, réunit des logements, des bureaux et une école privée.
L’objectif principal de l’opération était la construction d’une école primaire de 16 classes. Pour valoriser au mieux ce terrain de 2.000 m2, il a été décidé d’optimiser le foncier. L’école est donc surmontée par un immeuble de bureaux et une résidence de 20 logements locatifs lui a été accolée. Au total, ce sont 6.500 m2 de surfaces supplémentaires qui ont été construits et qui ont donc participé au financement de l’école. Au-delà de l’opération en elle-même, la mixité du programme bénéficie également au quartier des Girondins, un quartier neuf et moderne qui a justement l’ambition de mélanger les usages.
Le projet, en cours de construction, sera livré pour la rentrée 2019 en ce qui concerne l’école, et fin 2019 pour le reste du programme.
Pour les villes moyennes, un puissant levier qui ouvre de nouveaux horizons
Les villes moyennes peuvent avoir à faire face à des problématiques bien spécifiques : un centre-ville à réanimer aussi bien d’un point de vue commercial que résidentiel, des équipements publics à moderniser… Pour regagner en attractivité, les villes moyennes peuvent s’appuyer sur la mixité programmatique d’un immeuble et s’ouvrir de nouveaux possibles.
Le principe est simple : en agrégeant plusieurs programmes distincts, elles favorisent la sortie d’opérations immobilières d’envergure qu’il aurait été difficile de réaliser en n’exploitant qu’un seul segment du marché immobilier. Elles rendent possible la réintroduction de commerces ou de services dans les hyper centres.
La preuve par l’exemple
Prenons une opération mixte menée par les co-fondateurs de youse dans l’hyper-centre d’une ville moyenne de 6.000 habitants. Le programme rassemblait des commerces, des équipements publics (hôtel de ville et centre multi accueil, parking public), des logements en accession libre et sociale ainsi que des logements locatifs sociaux. Un bel exemple de mixité verticale donc ! La collectivité a ainsi pu valoriser un terrain en hyper centre pour réintroduire des commerces, services et équipements publics au cœur de la ville. Pour encourager encore davantage cette nouvelle dynamique, l’accessibilité a été fluidifiée grâce à un nouveau parking public. De nouveaux habitants se sont réinstallés dans le centre, y compris de jeunes ménages.
La mixité du programme a donc permis de réaliser une opération de près de 5.000 m² de plancher dans un marché plutôt calibré pour des programmes monovalents de 2.500 à 3.000 m² maximum. Et la vente des charges foncières des commerces et logements, en générant des recettes pour la collectivité, lui a permis d’abonder au financement des équipements publics (hôtel de ville, centre multi-accueil et parking).
Les facteurs de succès des opérations mixtes de centre-ville
Si elles peuvent s’avérer particulièrement efficaces, les opérations mixtes ne sont pas non plus une solution magique à tous les maux de l’urbanisme. Encore récentes dans un environnement urbain et juridique jusqu’alors conçu pour des immeubles mono-usages, ces opérations nécessitent créativité, rigueur d’analyse, esprit de synthèse et compétences juridiques et techniques.
Toujours conçus sur mesure, les programmes mixtes exigent un vrai savoir-faire. Il convient dans un premier temps de mener une analyse de marché multi-segment afin de vérifier si la commercialité à terme des différents programmes est avérée. Il faut également être capable de s’atteler à des montages juridiques complexes aussi bien au niveau de l’urbanisme que de l’organisation de la propriété. Il est en effet primordial d’assurer la bonne cohabitation entre des investisseurs institutionnels et des particuliers, chacun ayant des attentes et exigences distinctes. Autre condition pour la réussite du projet : connaître les bons réseaux de commercialisation, là encore spécifiques à chaque destination : logement, bureaux, commerce….
Enfin, il faut savoir animer des équipes pluridisciplinaires (urbaniste, architecte, sociologue, paysagiste, ingénieur…) et associer la collectivité et les futurs exploitants/acquéreurs comme des membres de l’équipe à part entière. La réussite du projet dépend de la capacité du promoteur immobilier à intégrer et à synthétiser les cahiers des charges et contraintes de chacun. Au final, les dimensions programmatiques, juridiques, techniques, économiques et règlementaires doivent être totalement alignées.
Vous l’aurez donc compris, la mixité verticale est un outil plein de promesses au service des collectivités et des citadins. Source de vitalité, de convivialité, d’efficacité économique et énergétique, la mixité verticale est sans nul doute le nouvel horizon de la Living City !